Historique

 

100 ans et plus de mycologie en Côte-d'Or

Bon an, mal an, sans coup férir, la Société mycologique de la Côte-d'Or a traversé un premier siècle d'existence. Mais pas n'importe lequel ! Le XXe. Celui qui s'ancrera vraisemblablement dans les mémoires comme le plus prestigieux tant l'accumulation des connaissances a été remarquable, tant les sciences, les techniques ont fait un bond étonnant… même si, on peut le regretter, cette progression s'est faite parfois au détriment de la Sagesse.

Sous la houlette de personnes dévouées et compétentes la Société mycologique n' a jamais failli aux objectifs que lui avaient fixés ses créateurs, elle a su traverser les périodes difficiles de deux guerres mondiales sans sombrer. Au premier rayon de soleil elle est repartie avec un élan neuf.

Sous la plume de Gabriel Bourgeois, qui en fut l'un des grands animateurs, voici contées les péripéties des trente premières années….

«  C'est en 1905 que l'on conçut le projet de créer la Société mycologique de la Côte-d'Or. En 1906 c'était chose faite: les statuts étaient adoptés et la nouvelle Société était déclarée conformément à la loi du 1 er juillet 1901.

Elle répondait à une telle nécessité qu'elle connut aussitôt une prospérité marquée; son but n'était-il pas (article premier des statuts) « d'encourager et de propager les études relatives aux champignons, surtout au point de vue des usages économiques et de l'hygiène » ? Il faut dire que ses promoteurs étaient de taille. La Présidence fut confiée à une éminente personnalité: M. le Recteur Boirac, mycologue convaincu, bien pénétré de la nécessité d'éduquer la foule des amateurs, trop souvent victimes de leur ignorance, ou de leur imprudence; mon regretté prédécesseur, M. Carreau, vétérinaire municipal, dont les grandes connaissances mycologiques furent acquises en Bourgogne, son cher pays d'adoption, dut accepter la vice-présidence; parmi les membres de ce premier conseil d'administration, nous retrouvons nos amis MM. Barbier et Paris, tous deux alors préparateurs à la Faculté des Sciences, dont les remarquables travaux, autant que l'inlassable dévouement, méritent la gratitude immense de tous nos adhérents; citons encore Mlle Thiébaut, directrice de l'Ecole normale d'institutrices; MM. David, pharmacien à Dijon; Lachot, instituteur à Magny-la-Ville; Magnin, vétérinaire au 1er Régiment d'artillerie et enfin Hippolyte Patron, instituteur à Dijon, qui assura la lourde charge de secrétaire-trésorier.

Une cotisation minimum de 1 franc par an fit de la Société mycologique de la Côte-d'Or une société populaire, à la portée de toutes les bourses: c'était là une nécessité, puisqu'on se proposait de toucher le plus possible d'amateurs dans un but d'éducation et de protection.

Près de quatre cents adhésions (380 exactement) furent enregistrées au cours de la première année; le succès était donc assuré; il ne fit d'ailleurs que s'accentuer chaque année davantage, puisqu'en 1912 la société comptait près de cinq cents membres cotisants (487 si l'on désire une précision). En outre de tous ces atouts d'ordre psychologique que les fondateurs mirent adroitement dans leur jeu, une raison dominante du succès fut évidemment l'habituelle importance de la poussée fongique dans la région.

Abondants et divers, les champignons ne peuvent pas, en Côte-d'Or laisser indifférent. Les pâturages de l'Auxois produisent au printemps les délicieux mousserons de la Saint-Georges, à la fin de l'été les mousserons d'automne (Agaricus campester et A. arvensis), en automne les excellents argouanes des prairies (Rhodopaxillus paneolus) et enfin les pieds violets et les pieds bleus (R. saevus et R. nudus). Dans les forêts de la plaine et dans celles des régions montagneuses au nord de Dijon, c'est en été une extraordinaire abondance de chanterelles ou girolles (ces roussottes si connues et donnant à l'amateur une impression de totale sécurité), de russules multicolores, de lactaires, de bolets, de pieds rouges (Amanita rubescens) et de pieds de mouton (Hydnum repandum). En octobre les trompettes des morts (les noires craterelles) consolent dle la disparition des girolles.

Dans la Côte, - comme si elle ne pouvait donner naissance qu'à des produits de choix -, on récolte des morilles au printemps et à l'entrée de l'hiver des truffes.

Enfin dans les friches montagneuses, à proximité des conifères, que ce soit au-dessus des vignobles de la Côte, dans la haute vallée de l'Ouche ou dans la région de Selongey, on rencontre à souhait les lactaires à secrétion colorée (Lactarius deliciosus et L. sanguifluus), puis les clitocybes nébuleux et géotropes, les suaves tricholomes à odeur d'iris et, sous les pins, les petits gris (Tricholoma terreum) universellement connus.

Cette variété infinie des champignons rencontrés, due à la diversité étonnante des lieux où ils poussent, augmente encore la tentation que l'abondance seule pourrait déjà faire naître. Il n'est pas besoin d'avoir un sens artistique très cultivé pour être charmé par la délicatesse de leur coloris, l'harmonie de leur forme, la finesse de leur structure et la suavité de leur parfum. Ils ont en outre l'attrait du mystère et du danger; ils exigent une certaine discipline pour leur étude aussi bien que certains efforts pour leur récolte. Qu'on ne s'étonne donc pas du grand développement que prit d'emblée la Société mycologique de la Côte-d'Or, à une époque où notre pauvre humanité ne connaissait pas encore beaucoup la griserie des vitesses folles sur les routes macadamisées ou poussiéreuses. Au lieu d'aller déjeuner à Verdun ou à Genève, on allait comme Jean-Jacques se promener par les sentiers, en montagne ou en forêt et l'on rapportait des champignons. Tout compte fait, on avait certainement moins de morts à déplorer.

 

Des amateurs impénitents

Malgré les changements apportés par la vie moderne, les amateurs de champignons ne semblent pas avoir diminué; ils sont impénitents et l'automobile n'est pour beaucoup qu'un moyen supplémentaire d'étendre leur champ d'action. II n'est pas possible d'évaluer les quantités consommées par eux, mais si l'on en juge par l'importance des ventes aux halles de Dijon, on a quelque raison de penser qu'elles ne sont pas en diminution. C'est en effet à plus de 21 600 kilos qu'il faut chiffrer pour 1930, année favorable, il est vrai, année-record même, la quantité de ces comestibles si spéciaux contrôlée par le service municipal d'Inspection des denrées alimentaires et, si feu le Général Bory de Saint-Vincent pouvait m'entendre dire que quelque trente-cinq espèces sont admises par les « préposés de police» dijonnais, peut-être les trouverait-il moins « ignares» que leurs collègues parisiens de 1841. Je ne pousserai pas l'irrévérence jusqu'à lui prêter l'intention de les considérer, aujourd'hui encore, comme parfaitement inutiles, car lui aussi, à la lumière des travaux de ces cinquante dernières. années, aurait évolué et l'entolome livide comme l'amanite phalloïde ne demeureraient pas « innocents» à ses yeux!

Quand je vous aurai rappelé de plus que certaines communes, Malain (pauvres explorateurs du Mont-Chauvin ?), Flacey, Fixin. Fixey, pour ne citer que les plus proches, tiennent à rèserver à leurs habitants la récolte des champignons qui peuvent pousser sur leur territoire, menaçant même les contrevenants des foudres du garde-champêtre, nous serons tous d'accord, je crois, pour penser que nos populations côte-d'oriennes n'ont pas du tout l'air de se désintéresser de la question mycologique et que notre société trentenaire a encore quelque raison de vivre et de prospérer. Si l'on avait à cet égard le moindre doute, il suffirait, pour le voir aussitôt disparaître, de considérer la vitalité et l'importance des divers groupements mycologiques du département. La chose n'est d'ailleurs pas nouvelle. Non seulement nous constatons, en examinant la première liste des adhérents parue dans le bulletin de 1907, que la bonne moitié d'entre eux (212 sur 422 inscrits) demeurent hors de Dijon, même dans les plus petites communes, mais nous voyons encore qu'en 1908 une section avait été formée à Nolay par Bigeard; elle ne comprenait pas moins de 90 adhérents. Aujourd'hui trois groupements locaux importants contribuent fortement à l'œuvre entreprise; ce sont : la société d'Auxonne, présidée par notre ami M. le docteur Bidault, des Maillys, la société d'Arnay-Ie-Duc. dont la grande activité est due à notre distingué collègue M. le Docteur Mocquet, son Président, et enfin la jeune société de Nuits-Saint-Georges, dont M. le docteur Emonin est l'animateur convaincu autant qu'enthousiaste.

Pour atteindre le but qu'elle s'est, assigné, la Société mycologique de la Côte-d'Or dispose d'importants moyens d'action que notre distingué autant-que dévoué secrétaire-trésorier M. Patron a bien voulu rappeler dans le bulletin annuel de 1934. En premier lieu, il faut citer les excursions publiques, organisées et dirigées par les délégués techniques de la Société. Elles ont lieu de préférence le dimanche et elles ont pour objet l'exploration des régions où la poussée fongique est signalée comme particulièrement intéressante. Ces manifestations ont la faveur du public; elles sont très appréciées par les amateurs de champignons. Il n'est pas douteux que c'est en récoltant soi-même des champignons, en remarquant les endroits où ils se développent, en étant frappé par la façon dont ils apparaissent, que l'on apprend le mieux à les connaître. A l'issue de ces excursions, une véritable exposition permet à chacun de profiter des enseignements suscités par les récoltes toujours différentes des autres participants. Chacun a des questions à poser, des remarques à faire, des avis à donner. Cette étude colIective permet d'apprendre beaucoup, et, lorsqu'elIe est dirigée par les compétences que l'on sait, d'acquérir rapidement des connaissances suffisantes pour éviter toute aventure mycophagique. Envisagées du seul point de vue scientifique, ces excursions sont éminemment intéressantes, car elles aboutissent parfois à des découvertes; la prospection d'une région est si minutieusement effectuée dans de telles circonstances qu'elle peut donner lieu en effet à la récolte d'une espèce rare, encore jamais rencontrée en Côte-d'Or; faut-il rappeler qu'alors notre éminent vice-président, M. Barbier, se livre aussitôt à une étude complète de l'échantillon et que le bulletin de l'année lui sert invariablement à communiquer à tous les caractéristiques précises qu'il a été amené à relever à ce sujet.

L'humidité, hélas, est une condition indispensable de la poussée fongique, aussi les excursions ne sont-elles pas toujours favorisées par le beau temps; l'automne, saison des champignons, est aussi la saison des pluies. Il faut les braver souvent, les subir parfois. Et l'on citerait maintes sorties mycologiques restées à l'état de projets, d'autres terminées à peine commencées, d'autres enfin copieusement et mémorablement arrosées; mais, le désagrément passé, la gaîté reprend toujours ses droits et il convient de noter que la mélancolie n'a pas été jusqu'à présent le caractère dominant des réunions mycologiques côte-d'oriennes" S'instruire avec bonne humeur, telle semble avoir toujours été en effet la préoccupation essentielIe de nos dirigeants; la tradition se poursuit et ce n'est pas là le moindre charme des relations que procurent les excursions, Nos collègues qui prirent part à ]a sortie de BoujailIes, le 29 septembre dernier, ne me démentiront pas, j'en suis sûr. Cette excursion, d'un intérêt mycologique incontestable, puisqu'elIe nous permit de nous familiariser avec les espèces endémiques des sapinières du Jura, fut terminée par un banquet où l'esprit le plus cordial et la plus franche gaîté ne firent défaut à aucun moment.

Qu'on ne s'en étonne pas, la Société mycologique de la Côte-d'Or reste en toute occasion très bourguignonne et il lui semblerait vivre une vie latente, si elle ne sacrifiait pas annuellement à son habitude inaugurée en 1906 par M. le recteur Boirac qui, parlant au nom de la société naissante s'écriait pour prouver sa vitalité: « Je banquette, donc je suis! »

A ces excursions, dont le nombre est étroitement sous la dépendance de la poussée fongique, ne se limite pas l'action publique de la Société. Dans l'autre salle, vous avez pu admirer une fois encore notre exposition annuelle. Environ 330 espèces y sont classées, étiquetées, offertes à la curiosité de chacun (l'entrée en est absolument libre et gratuite). Chaque amateur de champignons peut donc y venir examiner les échantillons très divers de la flore cryptogamique de la région que les plus dévoués et aussi les plus compétents de nos adhérents sont allés récolter aux quatre coins de la campagne environnante. Les curieux qui se pressent toujours nombreux devant les tables peuvent demander tous les renseignements qu'ils désirent aux experts présents pendant toute la durée de la manifestation. Vous avez pu remarquer le soin apporté à l'installation, à la présentation; nous le devons au labeur dévoué de M. Patron, notre sympathique secrétaire; quant à la diagnose des espèces, elle est encore assurée par les connaissances inépuisables et la scrupuleuse conscience de notre savant vice-président, M. Barbier.

Comme l'a écrit si justement M. Patron: « Chacun se sent ici bien chez soi, libre de demeurer aussi longtemps qu'il lui plaît dans ce temple de la Mycologie et d'y satisfaire toute sa curiosité. » L'exposition annuelle, ainsi conçue, nous vaut chaque année un nombre appréciable d'adhésions; n'est-ce pas la meilleure preuve de .l'intérêt qu'elle suscite et du succès qu'elle remporte?

La Société assure en outre. au public l'expertise gratuite des champignons. Ces expertises sont effectuées par les délégués techniques, soit à la Faculté des Sciences, où se tient M. Barbier ; soit aux halles ou à l'abattoir de Dijon, chaque jour, dimanche excepté, de 8 heures à 11 heures. Combien d'accidents ont été déjà ainsi évités? Pleurotes de l'olivier pris pour des chanterelles; entolomes livides pris pour des clitocybes nébuleux, amanites panthères prises pour des pieds rouges; amanites tue-mouche prises pour des oronges, telles sont les confusions les plus fréquentes, sinon les plus graves, que nous constatons au cours de chaque saison. Nos adhérents ont de plus la possibilité de faire parvenir à M. Barbier, l, rue des Gênois, ou à moi-même, les échantillons à expertiser; qu'il me soit permis de rappeler à ce sujet que les champignons, qu'on choisira autant que possible à différents stades de développement, doivent être bien emballés dans de la menue paille ou de la mousse bien sèches, de façon à éviter toute altération qui interdise une sûre détermination; la réponse est toujours adressée gratuitement dans un bref délai.

La Société mycologique a, d'autre part, le souci de donner à ses membres des moyens d'information encore plus complets. Elle a installé à la Faculté des Sciences, dans le service de M. le Doyen Bugnon, au laboratoire de botanique, 2 e étage, mis si obligeamment à sa disposition, sa bibliothèque mycologique, pourvue notamment de nombreux ouvrages de vulgarisation et de détermination scientifique des espèces.

Parmi ces ouvrages de vulgarisation, citons au hasard l'Amateur de Champignons, dont les planches avec fond rappelant celles de l'ouvrage de Paul Dumée sont d'une remarquable, beauté; l'Atlas des Champignons, de Rolland, avec ses planches exactes, mais malheureusement limitées à 283 espèces; une Iconographie des Champignons supérieurs par Juilliard et Hartmann reproduisant quelque 2380 espèces; c'est un ouvrage capable de rendre des services en raison du grand nombre des espèces représentées; malheureusement beaucoup le sont de façon insuffisante. La publication de Maublanc: Les Champignons de France, en 2 petits volumes faciles à consulter, constitue le livre de chevet des débutants; c'est le type du sérieux ouvrage de vulgarisation. On ne saurait trop le conseiller. Enfin, lorsqu'on est un peu familiarisé avec tous les genres et qu'on veut se lancer dans la détermination des espèces généralement peu connues, ou, si l'on veut, lorsque de mycophage on aspire à devenir mycologue, la bibliothèque de la Société aura encore largement de quoi satisfaire à votre. curiosité scientifique: La Flore Mycologique des Champignons de France de Quélet, précieux traité auquel on revient sans cesse, et, inspiré directement par le maître franc-comtois d'Hérimoncourt, La Flore des Champignons supérieurs de France et son supplément de Bigeard et Guillemin, deux de nos compatriotes de Saône-et-Loire. Hélas ces deux traités ne procurent pas les planches indispensables. Pour parer à cette insuffisance, la Société a acquis dernièrement deux atlas tout récents: l'un italien: Les Champignons comestibles et vénéneux, en deux volumes, de Bresadola, avec 223 planches en couleurs et les fameux Icones Selectae Fungorum de Konrad et Maublanc, renfermant 500 planches coloriées d'une scrupuleuse exactitude. Enfin, les fascicules de la publication tchèque de Charles Kavina et Albert Pilat de Prague, où la représentation des champignons est unique­ment réalisée au moyen de photographies étonnantes, commencent à arriver au fur et à mesure de leur parution.

J'en aurai à peu près terminé avec l'énumération des ouvrages mis à votre disposition par la Société, quand je vous aurai signalé les publications des spécialistes: Le genre Inocybe, par Roger Heim; L'ornementation des spores des Russules, par Richard Crawray; la Flore monographique des Cortinaires d'Europe, de Frédéric Bataille; Les Hyménomycètes de France, de Bourdot et Galzin, tous travaux qui exigent déjà' de sérieuses connaissances mycologiques pour être consultés avec fruit.

Je m'en voudrais cependant d'oublier de vous signaler encore un livre nouveau du plus haut intérêt: L'empoisonnement par les champignons, du professeur Martin-Sans. Ce travail constitue une mise au point récente et parfaite, d'une question hélas toujours d'actualité, et il est bien regrettable que certains auteurs, dont on reproduit avec une excessive facilité les articles de vulgarisation, ne cherchent pas en le lisant au préalable « à se mettre à la page» avant d'écrire sur un tel sujet.

Ce simple aperçu sur notre bibliothèque vous convaincra, j'en caresse du moins l'espoir, que la Société mycologique de la Côte-d'Or, malgré la modicité de ses ressources, heureusement améliorées par une subvention du Conseil général de la Côte-d'Or, continue à faire le maximum pour assurer à ses membres, quel que soit le degré de leurs connaissances, les moyens de se perfectionner.

Adhérente depuis sa fondation à la Société mycologique de France dont elle reçoit le précieux bulletin, la Société mycologique de la Côte-d'Or valut de ce fait à la Ville de Dijon d'être choisie en octobre 1909 comme siège de la session générale de notre grand groupement national. Pendant une semaine tinrent congrès dans notre cité les plus réputés mycologues de notre pays. Citons les plus connus: Bigeard, Dumée, Guillemin, Hétier, René Maire, Maublanc, Offner. M. Maublanc, secrétaire général a bien voulu dans son rapport sur cette manifestation, constater son plein succès et en attribuer tout le mérite aux organisateurs dijonnais. « Grâce à l'activité du bureau de la Société mycologique de la Côte-d'Or, écrit-il, de son président M. le Recteur Boirac et surtout de M. Barbier, grâce au zèle des mycologues d'Autun et de Semur, la session de 1909 a pleinement réussi ».

Notre président d'alors, M. le Recteur Boirac, partageait avec M. Boudier la présidence d'honneur; on tint à rendre hommage au labeur fécond et à la haute science de notre ami M. Barbier en lui attribuant la présidence; le regretté Professeur Queva, de notre Faculté des Sciences, figura parmi les vice-présidents, et notre Président actuel, M. Paris, voulut bien assumer la tâche délicate de secrétaire des séances.

Une exposition fort intéressante avait été organisée le jour de la clôture, dans la salle des Actes de l'Académie, les champignons ayant été déterminés par MM. Barbier et René Maire. Notre collègue M. Legrand avait déjà contribué au succès de. l'exposition et il continue - par des apports intéressants autant que nombreux, et le laboratoire de Botanique de notre Faculté des Sciences avait déjà mis à la disposition des organisateurs quelques beaux échantillons conservés dans l'alcool et notamment la superbe volvaire soyeuse que vous avez pu voir encore aujourd'hui dans l'autre salle.

Je m'en voudrais enfin de ne pas signaler que c'est au banquet de clôture de cette session qu'apparut un menu tout de circonstance, dû à un artiste que vous connaissez bien, M. le Professeur Paris ne pouvant en nier la paternité. Il eut un succès mérité et les honneurs du compte rendu. La Bourgogne, vous le voyez, ne manque jamais d'imprimer sa marque à toutes les manifestations qui se déroulent sous le signe de sa légendaire hospitalité.

Adhérente à l'Association française pour l'avancement des Sciences, la Société Mycologique de la Côte-d'Or devait en 1911 apporter sa contribution au quarantième Congrès de cette Association tenu en notre Ville. Dans l'ouvrage Dijon et la Côte-d'Or en 1911 (tome 1), publié à l'occasion de ce congrès, nous retrouvons une excellente étude de M. Barbier sur la Vulgarisation des connaissances pratiques sur les Champignons. Notons dans ce travail une revue bibliographique précise et complète des travaux mycologiques effectués en Bourgogne jusqu'au début de ce siècle; citons notamment: l'Histoire de quelques champignons de Bourgogne, publiée dans les mémoires de l'Académie de Dijon par Vallot en 1819 et en 1832, les Descriptions du Docteur Lavalle parues en 1850-1851 dans le Journal d'Agriculture de la Côte-d'Or, les Notes du Professeur Forquignon (attaché à la Faculté des Sciences de Dijon) parues dans le Bulletin de la Société mycologique de France et son Petit traité des Champignons supérieurs (1885), la Contribution à la flore cryptogamique de la Côte-d'Or, par le professeur Viallanes de l'Ecole de pharmacie de Dijon (1893) et enfin les nombreuses Notes de l'auteur, soit dans le Bulletin de la Société d'Horticulture de la Côte-d'Or de 1896 à 1901, soit dans le Bulletin de la Société Mycologique de France de 1901 à 1908. A ces publications, il faut ajouter l'utile, écrit en outre M. Barbier; en 1906 paraît un essai d'une table de concordance des principales espèces mycologiques avec la Flore de L. Quélet par MM. Magnin et Chômette (ce dernier, contrôleur des comestibles au service municipal d'inspection.)

En dehors de l'organisation de congrès ou de sa participation à des congrès, la Société mycologique de la Côte-d'Or rend compte de ses actes et de ses travaux dans un Bulletin qui, depuis 1907 connut des fortunes diverses. En janvier 1907 paraît le premier numéro avec une liste des adhérents à la société, le compte rendu sommaire par M. Barbier des excursions et déterminations effectuées en 1906, une relation du banquet annuel, honoré de la présence du Maire de Dijon et un état comparatif de la consommation des champignons dans cette ville pendant les années 1905 et 1906 par Carreau. Le n o 2 paraît en janvier 1908: rapport de M. Barbier sur les Actes de la Société, note de Bigeard sur ses récoltes de 1906, nouvelles adhésions à la Société, état des champignons contrôlés au marché de Dijon, tel en est, très brièvement énuméré, le contenu.

Le n° 3 est remplacé par la publication d'une magistrale étude de M. Barbier: Description synthétique des Russules de France, parue dans le Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Chalon-sur-Saône; la Société mycologique de la Côte-d'Or a eu l'excellente idée de faire tirer à part ce travail. Notre savant collègue s'y élève contre la création désordonnée de nouvelles espèces qui vient chaque jour compliquer abusivement et contrarier l'étude de ce genre déjà si difficile et propose une simplification méthodique et salutaire de la classification de ces russules, dont certaines espèces, au grand désarroi des mycologues, ont l'audacieuse malice de se présenter très diversement colorées.

Un extrait du Bulletin de la Société mycologique de France constitué par le Rapport sur la Session générale d'octobre 1909 à Dijon, établi par Maublanc, tient lieu de Bulletin pour l'année 1910. Nous l'avons analysé il y a un instant.

De 1911 à 1914 le Bulletin réapparaît sous sa forme initiale.

Dans le Bulletin de 1911, notons l'avis de décès du Docteur Gillot. l'éminent mycologue d'Autun, et du Vétérinaire militaire Magnin, membre du bureau de la Société. Nous trouvons en outre la relation par le Docteur Gallois d'un empoisonnement par les champignons à Dijon; il s'agissait d'amanites phalloïdes récoltées dans les bois de Gevrey; un homme de 40 ans décédait après 6 jours de souffrances. Grâce à l'intervention de deux membres du Comité d'alors, MM. Demay et Paris qui lui avaient fait jeter des amanites phalloïdes à peine ouvertes, récoltées en même temps que des russules verdoyantes avec lesquelles fI les confondait, le malheureux avait évité une semaine auparavant la mort traqique à laquelle, malgré tous les conseils, son ignorance et son imprudence le vouaient.

Le numéro de 1912, outre l'habituel et substantiel compte-rendu de M. Barbier, contient la relation du terrible empoisonnement de Trévoux, occasionné par la variété blanche de l'Amanite phalloïde prise pour une psalliote et celles d'autres empoisonnements dus à la consommation d'entolomes livides ou de champignons réputés comestibles mais avariés. Signalons tout particulièrement une note de notre président, M. Paris, qui constitue une mise au point très précise de la question des accidents consécutifs à la consommation des champignons, qu'il s'agisse des diverses sortes d'intoxications fongiques ou des simples indigestions. Notre excellent collègue veut bien faire part dans cette note de ses expériences sur la toxicité de certaines espèces, expériences où il eut le courage... de faire le cobaye, impunément d'ailleurs, mais avouons-le, avec un certain cran et quelque chance. N'a-t-il pas mangé, ainsi que son garçon de laboratoire, un chapeau d'amanite phalloïde préalablement bouilli et égoutté ! N'a-t-il pas consommé plusieurs fois, et cela sans accident, avec Madame Paris, d'assez fortes quantités de fausse oronge. (A. muscaria) ?

Le premier de ces essais n'est certes pas à recommencer, car les terribles accidents de Trévoux eux-mêmes, ainsi que les expériences de Radais et Sartory en ont montré le grave danger. .

Il n'en est pas moins vrai que nous devons à notre audacieux collègue l'essai de 18 espèces sur la comestibilité desquelles il nous donne son avis de fin gastronome. N'avait-il pas dès ce moment mérité l'honneur de présider aux destinées de la Société? On le lui fit bien voir en 1927, lorsque décéda le président d'alors, M. Carreau. Le Bulletin de 1912 contient en outre la relation d'un curieux empoisonnement par des morilles consommées crues, racontée par l'intoxiqué lui-même M. Demay.

Cette année-là fut fatale à notre Société qui perdit son dévoué et distingué secrétaire M. Hippolyte Patron, à qui son frère, notre ami M. E. Patron, par un pieux attachement à l'œuvre entreprise, devait succéder, sachant immédiatement se concilier par une égale activité et une constante bonne humeur, la sympathie reconnaissante de tous les adhérents.

Le Bulletin de 1913 se, distingue par une Nomenclature des champignons comestibles avec indication sommaire de leur qualité concernant environ trois cents espèces. Ce travail est encore de M. Barbier, et nous avons vu avec plaisir que l'auteur, tenant compte des connaissances acquises au cours des douze dernières années a tenu à faire une nouvelle mise au point de la question dans le bulletin de 1935. Une relation par M. le Docteur Brenot d'un cas d'empoisonnement par l'entolome livide - ce grand empoisonneur de la Côte-d'Or, disait Carreau - mérite également d'être mentionnée.

Enfin le bulletin de 1914 contient la description de deux nouvelles espèces dédiées par l'auteur, :M. Barbier, la première (un bolet), à MM. Boudier et Boirac, la seconde (un entolome) à M. Bigeard.

La guerre, hélas! vient interrompre cette publication. L'après-guerre est ensuite une dure période à traverser pour les sociétés d'histoire naturelle; il semble que les choses de la nature n'intéressent plus qu'une très petite minorité de gens; peut-être un contact permanent et exclusif de plus de quatre ans avec la nature elle-même avait-il paru suffisant à plus d'un? Quoi qu'il en soit, le regroupement de ces rescapés et des rares adeptes qu'ils font, s'effectue cependant progressivement et, grâce à la collaboration de la Société Bourguignonne d'Histoire Naturelle et de Préhistoire, Ie bulletin annuel va faire sa réapparition marquant une indéniable reprise d'activité.

Dans le bulletin de 1934, notre secrétaire général, au rapport de qui j'ai emprunté beaucoup, rappelle avec à propos, le but, le mode d'action, le rôle de la Société Mycologique de la Côte-d'Or. Il le fait d'une façon claire, concise, complète, vous l'avez certainement apprécié comme il convenait; c'est l'histoire d'hier, encore précise à votre mémoire, je n'y reviendrai pas. Le Bulletin de 1935, notre dernier-né, continue la tradition d'heureuse façon, il contient un résumé de l'activité de la Société au cours de l'année écoulée et un programme d'action pour la présente saison qui, hélas! touche à sa fin.

Il ne faudrait pas croire cependant que l'œuvre scientifique de la Société mycologique se restreint à la publication d'un bulletin annuel, que ses modestes ressources obligent à rester de petit volume. Elle en déborde largement le cadre, il suffit pour s'en convaincre, de rappeler les travaux de ses membres au cours des dernières années.

Dans les Mémoires de l'Académie de Dijon (1923), citons le compte rendu, d'une exposition de champignons par M. Paul Genty, Directeur du jardin botanique, notre collègue bien connu pour sa grande érudition, la précision de ses connaissances mycologiques et son grand dévouement aux sciences naturelles. Dans le Bulletin de la Société Mycologique de France, nous retrouvons encore des travaux de M. Barbier: Liste annotée d'Hyménomycètes des environs de Dijon, en trois parties (1901 à 1903); Observations taxinomique et espèces rares ou nouvellement connues en Bourgogne (1911), .Agarics des environs de Dijon (1927), Suggestion (1928), enfin, Glanes mycologiques des Icones selectœ fungorum, de MM. Konrad et Maublanc. Dans le Bulletin Scientifique de Bourgogne, organe de la Société Bourguignonne d'Histoire Naturelle et de Préhistoire, nous citons un Curieux cas d'anaphyllaxie provoqué par la consommation de Clitocybes nébuleux, tome 1 (1931); Discomycètes de la Côte-d'Or et de la Saône-et-Loire par M. Barbier, tome III, IV et V (1933, 34 et 35); dans le Bulletin de la Société Botanique de France (1932) : Les truffes de Bourgogne, par M. Paul Genty, étude qui est venue singulièrement enrichir nos connaissànces en cette difficile matière. Enfin, qu'il me soit permis de signaler la substantielle thèse de Doctorat en Pharmacie (année 1933) de notre collègue, M. Girard: Contribution à l'Etude de la Flore mycologique de la Côte-d'Or; elle constitue une précieuse mise au point de l'ensemble des espèces récoltées jusqu'à ce jour dans ce département. Cet important travail, qui exigea de son auteur une louable persévérance et une science approfondie, a déjà reçu un premier complément dans le tome IV - 1932 - du Bulletin scientifique de Bourgogne. Les progrès de la mycologie en Côte-d'Or sont tels qu'une œuvre d'une telle envergure impose, on le voit, une perpétuelle mise à jour. Notre collègue n'y manque pas.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner, pour terminer, les travaux de notre collègue M. Viallanes, de Marcellois, dont les visiteurs des expositions de 1933 et de 1934 ont admiré les magnifiques aquarelles qui ornaient de si remarquable façon l'amphithéâtre voisin. La collection doit être actuellement imposante et nous souhaitons à notre savant collègue de mener à bonne fin une œuvre aussi délicate.

Telle est, sans aucun doute incomplètement résumée, l'œuvre scientifique des mycologues bourguignons groupés au sein de cette Société mycologique de la Côte-d'Or qui leur facilite, autant qu'il se peut, les relations indispensables à la poursuite de leurs études; créer une ambiance favorable, non dépourvue de charmes grâce à l'aménité de chacun, grâce aussi au désir réciproque de rendre service, tel m'apparaît pour les scientifiques le rôle modeste, mais précieux, de notre société.

Cette vitalité, ces succès, ces résultats ne sauraient étonner cependant si l'on considère les collaborations multiples qui nous sont acquises. Faut-il rappeler ici l'aide inestimable que nous avons toujours reçue de l'Université? Si la Société Mycologique connut un tel développement dès sa création, n'est-ce pas surtout grâce à M. le Recteur Boirac, son président fondateur? Son autorité, son enthousiasme ne furent-ils pas des facteurs irrésistibles de succès? Et MM. Barbier et Paris, cheville ouvrière de l'œuvre ne sont-ils pas aussi de cette Faculté des Sciences qui, en octobre 1909, avait déjà tant contribué au succès de la session générale de la Société Mycologique de France tenue à Dijon?

Cette collaboration active fut reprise en 1931, grâce à la sollicitude agissante de M. le Doyen Bugnon qui voulut bien, par une compréhension exacte de nos besoins, mettre à la disposition de la Société, non seulement les salles nécessaires à l'installation confortable de nos magnifiques expositions annuelles, mais encore le personnel et le matériel qui nous est d'un si grand secours. La Faculté des Sciences nous offre encore l'hospitalité pour notre réunion annuelle, et M. le Doyen a bien voulu accueillir dans son laboratoire de Botanique notre encombrante bibliothèque; nous avons même la faculté, non seulement de l'y aller consulter, mais encore, si besoin est, de rechercher certaines précisions dans les véritables monuments mycologiques que possède l'Université de Dijon. Ceux-ci méritent une sommaire description, car ils peuvent rendre à nos collègues d'immenses services. Je les ai fait apporter ici devant vous pour que vous puissiez, dans un instant, vous rendre compte de leur importance. C'est, tout d'abord, l'Histoire des Champignons de France, 2 tomes en 4 in-quarto de Bulliard et Ventenat, ouvrage édité en 1812, qu'on peut à bon droit considérer comme l'ancêtre de nos traités de mycologie; vous pourrez juger, en feuilletant ces livres, que la façon de présenter les champignons était alors totalement différente de ce qu'on réalise aujourd'hui. Puis c'est une Histoire et monographie des champignons hypogés par les frères Tulasne, parue en 1862; les gravures de cet ouvrage sont une merveille artistique qui vaut la peine d'être examinée avec une attention toute particulière. Des mêmes auteurs, un Choix de Champignons (Selecta fungorum carpologia), 5 volumes, texte en latin, édité en 1865; puis c'est le précieux et classique ouvrage du Maître Emile Boudier: Icones mycologicœ, 4 volumes in-quarto (un consacré au texte et trois à des planches merveilleuses), paru de 1905 à 1910. Tout dernièrement, cette magnifique collection d'ouvrages français vient de s'enrichir, grâce à M. le Doyen Bugnon, des fameuses Figures peintes de Champignons de Louis Lucand, qui doivent, dans l'esprit de l'auteur, être considérées comme une suite à l'iconographie précitée de Bulliard. Le premier fascicule composé de 25 planches parut en 1881, seize autres suivirent de 1881 à 1895; « Cette publication interrompue seulement par la mort, écrit le Docteur Gillot, a illustré la Mycologie française de 425 planches de champignons hyménomycètes, la plupart inédits ou mal représentés jusque là dans les ouvrages français. » Lucand a exécuté lui-même à la main toutes ces planches (12.000 distribuées à ses souscripteurs) sans le secours d'aucun procédé mécanique. On imagine à peine ce que cela représente d'art, de travail et de patience. Je sais bien qu'on a reproché à Lucand certaines exagérations de couleurs, la régularité artificielle de certains échantillons figurés; il n'en est pas moins vrai que la plupart de ces planches sont excellentes, représentant avec une scrupuleuse exactitude et une grande vérité de nuances des espèces en très grande majorité de notre région. Sur 425 planches, 316 figurent des espèces récoltées en Saône-et-Loire, 36 des champignons en provenance de la Nièvre, 24 des espèces de l'Allier; sept échantillons venaient en outre du Jura et six. de la Côte-d'Or. On peut donc considérer cette acquisition de notre Faculté des Sciences comme un document régional de première importance.

En terminant, je caresse l'espoir que l'on retienne seulement de cet exposé, peut-être trop long à votre gré, l'esprit d'union et de dévouement qui reste par-dessus tout la préoccupation essentielle de tous ceux qui, à un titre quelconque, participent à l'activité de la Société mycologique de la Côté-d'Or, pour le plus grand profit de !a science mycologique et pour le développement toujours plus grand d'une amitié précieuse aux hommes de bonne volonté »

Cette captivante causerie fut prononcée le dimanche 13 octobre 1935 par M. Bourgeois, le distingué Vétérinaire municipal de Dijon.

1936 : La Société en plein vitalité

Sous la présidence de Paul Paris, professeur à la Faculté des Sciences, la Société mycologique de la Côte-d'Or connaît des jours fastes. L'animateur principal en est le vice-président, Maurice Barbier, mycologue reconnu au niveau national, secondé par MM. Bourgeois, Bugnon, Genty, Patron et bien d'autres. Les amateurs de champignons trouvent auprès de cette équipe le meilleur accueil et obtiennent très rapidement tous les renseignements qu'ils pourraient désirer… la connaissance des champignons bourguignons s'étoffe grandement. Citons pour 1934 : Helicobasidium purpureum, hétérobasidiée-poupre lilas, de la famille des Auriculariacées, caractérisé par sa baside cloisonnée tranversalement et recourbée en crosse. Porothelium fimbriatum , cyphellinée qui se présente sous l'aspect d'une plaque membraneuse, tendre d'abord, couverte de petites verrues qui s'ouvrent en cupules (cyphelles) dans la suite du développement. En 1935, Hydnum erinaceum, très rare, en Côte-d'Or tout au moins, Lepidella echinocephala (Vittadini) aux feuillets vert d'eau. En 1936, Flammula spumosa et Coryne urnalis , etc…

Puis surviennent les années noires. Pendant cette terrible guerre les esprits ont d'autres soucis que l'étude scientifique des champignons, la Société est disloquée, ses membres dispersés.

Maurice Barbier, depuis 1939 s'est retiré définitivement dans son village natal, Lux, à une trentaine de kilomètres de la capitale bourguignonne. Il y décèdera le 1 er août 1955.

Son éloge funèbre sera prononcée par Gabriel Bourgeois : «  Depuis 1905, Maurice Barbier » apparaît donc comme le guide scientifique de la Société Mycologique de la Côte-d'Or où on le proclame, en 1947, Président d'honneur. Nul plus que lui n'a contribué à l'éducation des amateurs; il se plait à conseiller les plus humbles, ne se décourageant jamais devant les préjugés et les incompréhensions, répétant sans se lasser les conseils de prudence et s'efforçant d'éclairer les plus réceptifs. Il suscite des vocations de mycologue et il se plaît en la compagnie de ces néophytes envers qui il est d'un dévouement total.

Si par son immense savoir, son honnêteté scientifique, sa scrupuleuse conscience, Maurice Barbier a inspiré autour de lui une très vive admiration, par sa gentillesse, par sa modestie, sa prévenance, son infinie délicatesse, il a su se faire aimer de tous ceux qui l'ont connu.

Il repose maintenant dans le petit cimetière de Lux, son pays natal, à deux pas des champs d'investigation qui lui étaient familiers, ayant su associer dans un même amour son pays et ses travaux préférés. La peine de ses amis mycologues, devant sa disparition, se trouve fort atténuée cependant, car il ne s'en va pas tout entier. Il leur reste, avec son œuvre scientifique de cinquante années, le magnifique modèle d'une vie de simplicité et de labeur désintéressé, d'une existence de droiture et de dévouement ».

Enfin la Libération

En 1945, malgré la suppression totale des transports publics, résultant des destructions qui ont accompagné les opérations militaires de libération, l'exposition est ouverte les 7, 8 et 9 octobre. Elle connaît, en raison de la poussée très favorable du moment, un succès sans précédent. Elle permet en effet la détermination et le classement de 314 espèces, chiffre encore jamais atteint jusqu'alors.

C'est désormais Gabriel Bourgeois dont la compétence est reconnue par ses pairs qui tient les rènes de la Société mycologique de la Côte-d'Or. Il a été porte à la présidence en 1939, après la mort de Paul Paris.

Sous l'occupation et lorsque Maurice Barbier est éloigné de Dijon, il a maintenu les activités puis dirigé son développement après 1944. On peut dire que de 1939 à 1967 toutes les manifestations de la Société mycologique portent sa marque: c'est lui-même qui organise l'exposition 

l'exposition, les excursions publiques annuelles, les séances de détermination hebdomadaires, qui rédige des articles pour les journaux afin d'éveiller l'attention du public sur les espèces toxiques et comestibles, qui publie de nombreuses observations de mycologie régionale et compose le Bulletin de la Société, qui prononce parfois une conférence, qui s'intéresse aux autres manifestations similaires organisées ailleurs dans la région.

Il avait dit en 1939, au moment de son élection à la présidence : « Nous pensons orienter notre activité vers le rôle éducateur et pratique qui semble dévolu à la Société Mycologique ». Il y a parfaitement réussi, comme en témoigne le succès toujours grandissant de l'exposition annuelle, qui compta parmi les meilleures présentations publiques de champignons en province, comme en témoignèrent aussi la sympathie et le respect que lui portaient tous les amateurs mycophages de la région.

En 1952, Odette Bourgeois, bénéficiant de l'expérience de son père obtient son diplôme d'études supérieures de sciences naturelles en précisant l 'Influence des plantations de conifères sur la flore mycologique de la région de Dijon. Des travaux qui passeront à la postérité sous la forme d'un opuscule d'une cinquantaine de pages imprimé dans le cadre des Publications de l'Université de Dijon. C'est dans le même cadre universitaire et pour le même diplôme que, en 1956, Pierre Petitberghien publiera Les champignons hypogés de la région de Dijon, un ouvrage très documenté et talentueux.

M. Bourgeois s'était fait aussi des amis lors des sessions de la Société mycologique de France auxquelles il avait pris part après 1944. Beaucoup se retrouvaient à Dijon lors de l'exposition. Que de sympathiques discussions à cette occasion entre l'animateur dijonnais et ses invités! Que d'anecdotes personnelles telle cette mésaventure qui lui était arrivée durant la première guerre mondiale dont il aimait à rappeler le souvenir : il avait involontairement purgé tout l'état-major du corps d'armée auquel il appartenait après lui avoir donné à consommer de bons plats de Clavaria formosa .

Bien qu'atteint depuis plusieurs années d'un mal implacable, M. Bourgeois avait gardé un peu de vigueur pour la préparation de l'exposition de 1966. Dès le début de l'hiver, il pensait déjà à l'exposition de 1967. Il n'aura pas eu la joie de pouvoir la réaliser.

Fidèles à son souvenir, ses amis suisses et francs-comtois, le Dr Henry, M. et Mme Marty, Georges Métrod, entre autres, n'ont pas manqué de venir à l'exposition d'octobre 1967, mais tous ont vivement ressenti son absence; ils ne ne l'ont pas vu venir s'asseoir à la table de détermination pour trancher les cas litigieux, faire de temps à autre le tour de la salle d'exposition pour en vérifier l'agencement, prodiguant partout ses conseils aux amateurs, recevant les visiteurs avec la courtoisie du maître de la maison dont l'autorité était unanimement reconnue.

Gabriel Bourgeois, président de la Société mycologique de la Côte-d'Or depuis vingt-huit ans, s'est éteint le 27 juin 1967.

La place de président revient à Denis Masqueliez mais c'est le professeur François Bugnon, éminent botaniste, alors secrétaire de la Société, qui en devint l'animateur principal. Il n'est pas donné à tous de bien combiner le savoir et le dévouement, le Professeur Bugnon s'y employa à merveille. Ce fut alors un plaisir renouvelé que de le voir dans les expositions, docte, entouré, présent. Un visiteur lui aurait demandé cent fois si c'était bon à manger qu'il aurait répondu cent fois avec la même gentillesse sans soupçonner l'immense vertu de cette attitude De 1967 à 1990 , toutes les manifestations de la Société mycologique de la Côte-d'Or porte sa marque.

En 1990, il décide de se consacrer pleinement à la rédaction de sa Nouvelle Flore de Bourgogne non sans avoir, en octobre, magistralement contribué au succès du congrès de la Société mycologique de France qui se tint à Dijon.

François Bugnon, professeur honoraire de l'Université de Bourgogne, est décédé subitement d'une embolie le 15 novembre 1998, il allait avoir 73 ans. Il laisse un grand vide au sein de la Société mycologique.

Les congrès SMF à Dijon

Lourde tâche que l'organisation d'un Congrès… la Société mycologique de la Côte-d'Or s'en acquitta avec brio en 1990 si l'on en croit les éloges qu'en firent tant Mme Perreau, alors présidente de la SMF, que M. Romagnesi, secrétaire. Mme Perreau quelques mois plus tard, devant ses sociétaires, devait prononcer un bref compte-rendu dans lequel «  elle remercie vivement M. Verpeau, président de la Société organisatrice, ainsi que M. Bugnon et son équipe, pour la perfection de l'organisation et la chaleur de l'accueil ; contrairement aux craintes qu'inspirait la sécheresse qui a sévi dans le nord de la France depuis juin, grâce à des pluies et à des orages récents, la récolte fut abondante et des plus intéressantes. ». M. Romagnesi, quant à lui, écrivit que ce fut l'un des congrès le plus intéressant de ces dix dernières années ».

Les Congrès dijonnais ne manquent pas de retentissement… c'est en effet à Dijon en 1909 que René Maire lançait la base de sa classification des Russules. Une allocution qui marquait la fin de la période ancienne dans l'histoire de la taxinomie des Russules et inaugurait la longue série des travaux modernes sur le sujet . En effet, cet auteur a eu le mérite considérable d'indiquer quels étaient les caractères macroscopiques, microscopiques, microchimiques, qui devaient être à la base de la délimitation des espèces chez les Russules,. seul, Melzer y apportera encore une dernière et d'ailleurs importante contribution, en révélant et caractérisant l'hyphe primordiale de l'épicutis. C'est Maire qui a précisé la valeur taxinomique de la couleur de la sporée et de l'ornementation sporale, découvert les dermatocystides et les poils spéciaux des revêtements, et par conséquent donné aux mycologues le fil d'Ariane qui allait leur permettre de se retrouver dans ce labyrinthe. A partir de ce moment, chaque espèce pouvait être décrite avec assez de précision pour être enfin interprétable. C'est à R. MAIRE que l'on doit initialement d'avoir rendu possible ce progrès décisif.

En 1990, le professeur Régis Courtecuisse jette les bases d'un immense et colossal projet «  Le programme d'inventaire mycologique national et de cartographie des mycota français ». Le but final étant, pour lui, avec l'aide de la communauté mycologique de mettre en fiche les trouvailles française selon le modèle ci-dessous qui pourra, par la suite, s'adapter aux différents impératifs techniques dans une base de donnée:

Gageons que la session 2005 à Dijon dégagera la même aura…

Les Côte-d'Oriens, sous la bannière des trois sociétés mycologiques du département, Is-sur-Tille et son président Roland Rousseaux, Châtillon-sur-Seine et sa présidente Marie-Geneviève Poillotte, enfin Dijon, se sont attelés, tant bien que mal, à ce vaste projet… Beaucoup de travail a été fait, il en reste tant… il est vrai que la détermination complète des champignons dans une région si fertile que la Côte-d'Or s'apparente au travail des Danaïdes remplissant leur tonneau sans fond…

Le professeur Régis Courtecuisse fera, au congrès de Dijon 2005, donc 15 ans après le lancement de l'opération, le point sur cette œuvre monumentale.

En feuilletant la collection du bulletin

Sous ce titre, (année 1979, page 1), le professeur François BUGNON retraçe l'histoire du bulletin. Suit une table des matières des 44 numéros parus de 1907 à 1978, par thème, avec référence aux auteurs des articles.

Dans les années suivantes, dix autres fascicules sont édités de 1979 à 1988, dans la présentation retenue en 1966. Et après une interruption en 1989, faute de moyens, les quatre derniers bulletins (1990 à 1993) paraîtront, sous couverture illustrée, parfois en couleur : ils traitent essentiellement d'un sujet particulier.

Puis après des années d'éclipse, à partir de 2002, c'est dans le bulletin scientifique de Bourgogne, comme ce fut le cas à une certaine époque, que les articles seront insérés.

Dans ces différents bulletins, on y retrouvera retracées toutes les activités de la Société, qui, en sus, éditera de nombreux ouvrages, extraits, tirés à part, notes ou études diverses… En 1946, par exemple, étude de trois agarics rares ; 1949, présence, près de Dijon, de Gastroporium simplex ; En 1952, Influence des conifères sur la flore mycologique autour de Dijon ; En 1956, Champignons hypogés de Côte-d'Or ; En 1960, une étude sur les problèmes d'anatomie végétale ; plusieurs clés inédites, etc …

 

Une société ne vit grandement que par les hommes qui l'animent. La Société mycologique de la Côte-d'Or n'a jamais manqué de bonnes volontés pour assurer son maintien au plus haut niveau.